Suite de l’échange avec Lucien Dujardin à propos de la façon dont nous menons notre recherche artistique.
Voilà mes réponses aux mêmes questions sur l’image qui l’a inspiré
Lucien Dujardin : Qu'est-ce qui te pousse à travailler à partir de cette image ?
Raphaële Colombi : Je me pose ici la question a posteriori de savoir pourquoi j’ai choisi de publier sur le blog Lotus sacrés 35. D’abord, cette photographie s’inscrit dans une série, un travail de longue haleine, qui a commencé il y a plus d’un an. Chaque nouvelle image est dans ce sens-là à la fois en continuité et en rupture par rapport à la précédente. Le sujet des lotus, surtout l’été, par son graphisme, sa grâce florale, est « piégeux » car il pourrait facilement glisser vers le seulement décoratif. J’ai essayé, dans les publications précédentes, de ne pas me laisser aller à cette facilité, mais portée par le mouvement dialectique propre à la notion de série, je me suis dit qu’il fallait tout de même montrer une fleur, puisque mon propos est d’arriver à cerner la totalité du lotus (projet de toute évidence irréalisable, et en cela bizarrement moteur pour moi…). J’ai donc choisi cette image, qui me semblait ne pas être trop triviale.
Mais par ta lecture, j’ai pris la mesure de la part inconsciente de ce choix : il est évident pour moi maintenant que c’est aussi une image du sexe féminin, comme souvent d’ailleurs les fleurs chez moi (voir la série ef/fleur/es ).
LD : Comment se déclenche ensuite le processus créatif ?
RC : Le processus créatif est plutôt antérieur ici. Je vais régulièrement photographier ces lotus, en essayant de couvrir toutes les saisons, ce qui est une façon d’intégrer la durée dans une technique, la photographie qui est l’inverse, puisque le déclenchement se produit dans un instant si bref qu’il n’est pas d’habitude perceptible. Je recherche ces associations de contraires - ces oxymores - parce qu’il me semble qu’elles font naître, par un choc salutaire, une autre forme de perception délivrée du carcan des concepts (du moins c’est ce que j’espère…).D’autre part, ces après-midi passées à prendre des photographies relèvent pour moi d’un processus de méditation, qui n’a pas d’autre fin que lui-même.
Lorsque je choisis la photographie pour cette série, mon travail de « post-production » se réduit au minimum : je me contente de régler la lumière et le contraste, si besoin est, plus rarement de recadrer. J’ai décidé de ne pas utiliser le principe du montage, qui est pourtant l’une de mes marques de fabriques, parce que je l’aurais trouvé ici affecté, et qu’il m’aurait poussé vers une expression graphique.
LD : A partir de quel moment te déclares-tu satisfaite de ce que tu as fait ?
RC : Eh bien, jamais, à vrai dire ! Sinon, je m’arrêterai ! La satisfaction intervient au moment du faire, quand il n’y a plus de projection, mais que je suis juste dans le geste de cadrer, d’appuyer sur le déclencheur, de régler la profondeur de champ, de faire un avec les lotus…Ces moments-là me nourrissent profondément, et j’en ai un besoin vital. Ensuite vient le moment du regard critique, qui fait renaître le désir d’aller rechercher d’autres images, d’aller plus loin, de faire mieux, parce qu’il y a toujours un hiatus entre ce qu’on a vécu et ce qu’il en reste. J’espère toutefois que ce reste-là donne envie aux autres d’avoir le même regard que moi, qu’il demeure un indice…La tragédie est pour moi la figure de l’acte créatif : celui-ci est voué à l’échec, à la mort, mais c’est ce ratage qui peut guider les autres.
LD : Pourquoi as-tu choisi ces différentes techniques et que t'apportent-elles ?
RC : J’ai déjà abordé le problème de la technique plus haut. Je n’ai pas comme toi, abordé des techniques de gravures variées pour essayer de rendre ton ressenti de mon image
illustrations à la fin de l'article précédent
voir d'autres gravures de Lucien Dujardin
voir la série Lotus sacrés
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